Je m’appelle Shea. C’est le diminutif de Shealtiel, mais je ne le dis jamais, parce que mon nom d’usage, c’est Shea. J’ai grandi dans la famille Aileen. Vous savez, en Angleterre, c’est une famille très connue. Mon père est patron d’une très grande banque, et ma mère dirige une boutique de luxe. On peut dire que je suis né avec une cuillère en argent dans la bouche. J’ai été chouchouté en tant que fils unique. Mes parents… Ils avaient de grands projets pour moi.

Je vous vois venir. Vous vous demandez comment quelqu’un comme moi, qui avais tout pour être heureux, a pu finir dans un tel trou à rats ? Je vous explique.

J’ai donc grandi dans le bonheur le plus total. Toutefois, jusqu’à ce que je commence à m’intéresser… Aux garçons. Je me sentais en concurrence avec les filles, j’ai toujours été androgyne, et j’ai toujours préféré les hommes. Seulement… Ca ne convenait pas à mes parents. Après de nombreux jours passés à se disputer, ils ont pris la décision de me déshériter, et ils m’ont jeté dehors. S’en est suivi de longs moments d’errance dans les rues de Londres. Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je voulais devenir instituteur et travailler avec les enfants, et je me retrouvais sans argent, sans logement, sans rien.

C’est là qu’on m’a approché. On m’a dit des tas de choses, et pour finir, on m’a emmené dans un club un peu étrange. Bon, j’ai pas besoin de vous faire un dessin. J’ai commencé comme danseur. Il fallait que je me déhanche pour de vieux pervers qui se touchaient sous leur table, ou des jeunots qui n’avaient rien à faire là. Puis, après quelques semaines, environ un mois, je dirai, on a commencé à me donner des « extras » à faire. Et j’ai fini pute. Autant dire que c’était bien loin de ce que je voulais faire de base, mais j’ai au moins réussi à me payer un appartement miteux et de quoi manger.

Mais même ça, ça a réussi à foirer.

J'étais au plus bas. J'en avais assez de cette vie. Au final, j'avais envie qu'on me propose une quelconque drogue, en prendre plein, faire une overdose et mourir comme un moins que rien sur le sol du club. Et puis, il y a eu ce type qui a commandé l'un de mes... Services spéciaux. Il m'a rejoint dans une autre pièce. Son anglais avait un accent bizarre que je ne comprenais quasiment pas. Il m'a énervé avec sa tête. Il n'avait pourtant pas l'air spécial, juste... Il était un condensé de tous les pires clients qu'il avait pu avoir. Et il était insistant. A en être dégoûtant. Ses mains se faufilaient là où elles n'auraient jamais dû être. Je n'en pouvais plus, alors... Je l'ai poussé. Je l'ai frappé. Je l'ai repoussé encore une fois. Au final, pendant qu'il était sur le canapé, j'ai pris la chose la plus dure que je pouvais. Un plateau qui traînait là. Et je l'ai abattu le plus fort que j'ai pu sur sa tête. C’est lui qui est passé de l’autre côté à ma place.

Homicide, involontaire, mais homicide quand même. J’ai fini en taule, et jusque-là, ça m’allait bien. C’était toujours mieux que de jouer les salopes intéressées dans un club pourri. Même si je ne doutais pas qu’un ou deux de mes compagnons de cellules allaient venir me voir pour se « détendre ». Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, j'ai appris que ce type était un haut responsable... Du Pérou. En voyage à Londres. J'avais tué un politicien, et les éleveurs de lamas demandaient réparation. J'ai donc eu droit à un magnifique voyage payé par le pays du poncho pour les rejoindre, et purger ma peine...

Je suis ici à cause de toutes mes erreurs. Alors j’ai beau répéter que je n’ai rien à faire ici, c’est pas comme si on allait m’écouter. Je viens d’arriver, et je sens déjà les regards lourds sur moi, l’air de dire « Qu’est-ce qu’une jolie chose comme toi viens faire là ? » et la réponse « On a qu’à en profiter ». Super rassurant…

Pitié… Sortez-moi de là !