« Si on devait la comparer à un animal ce serait à la panthère. Elle en a la finesse, la souplesse... Elle se mouve comme elles, avec élégance. Elle a d'ailleurs cette même aura sauvage. Un femme félin... » -Un gardien quelconque.

« Elle est pas grosse. Je dirais même qu'elle est un peu trop maigre. Ses cheveux courts encadrent bien son visage pointu. Oh elle est pas moche June. Y a juste pas beaucoup à bouffer, elle est plus Mister Freeze que Häagen-Dazs, c'est tout. » -Une détenue relookeuse.

« Sa peau blanche me fait dire qu'elle a vécu la majorité de sa vie à l'intérieur. Elle est pas super musclée non plus. J'ai l'impression qu'au moindre coup elle va se briser en deux. Une poupée de porcelaine dans une prison... On aura tout vu. » -Un condamné qui l'a aperçu à la cantine.

« Ses yeux sont des plus spéciaux. Ils sont d'une couleur ambre plus ou moins foncée en fonction de la lumière. Des fois j'ai même l'impression qu'ils tirent aux rouges. C'est peut être juste moi après... J'en sais trop rien. » -Un pote.

« June. Elle est pas méchante. Mais elle est pas gentille non plus. C'est le genre de femme qu'on a dû mal à cerner. On sait jamais réellement ce qu'elle veut. Elle se lasse rapidement des gens. Du jour au lendemain, elle peut ne plus vous parler. Elle est des plus spéciales... » -Un homme qui l'observe de loin.

« Ses blagues c'est d'la merde. Au moins elle rigole pour tout et rien c'est déjà ça. Elle cause bien. Peut être un peu trop pour vivre dans une prison. Elle vient d'une grande famille d'bourge ça c'sûr.  » -Quelqu'un qui l'apprécie.

« June... C'est une rebelle tout en restant une soumise. Assez spécial comme trait de caractère non ? C'pour ça qu'elle est pas cernable... On sait jamais comment elle est, comment elle va réagir... » -Une condamnée.

« Elle obtient souvent ce qu'elle veut. Je parle en matière d'homme hein. Elle sait comment les attirer. Elle ne les garde pas longtemps. Elle ne se pose jamais. Elle est toujours en train d'en changer. Comme si elle avait peur de quelque chose... Peut être de son passé... » -Un qui est passé sous la couette de la demoiselle.

« Elle est triste June. Je ne pense pas que ce soit à cause de ce qu'elle a commis. C'est autre chose. Quelque chose de profondément ancré en elle. Un chagrin qui ne se tarira jamais. Qui sera toujours présent quoi qu'il advienne » -Un prisonnier qui a su lire en elle.

Russie, 1995

June regardait le ciel s'embraser. Les flammes léchaient le pourtour de la lune sans pour autant qu'elle ne se consume. C'est ce qu'elle ressentait en ce moment même. Elle était la lune et un feu de douleur et d'anéantissement était en train de la brûmer de l'intérieur. Sur ses joues, ses larmes traçaient de long sillon gris dans la cendre recouvrant son visage. Le feu venait de lui prendre ce qu'elle aimait le plus au monde. Et à la place, il allait lui donner une vie de misère.

Russie, 2006

« June ! Les invités ne vont pas tarder ! Descend immédiatement ! »

Au bas de l'escalier, sa tante l'attendait avec impatience. Vêtu d'une robe rouge collée plus que de raison à son corps. Ses longs cheveux blonds étaient lâchés en élégantes anglaises dans son cou. Elle était belle. Et elle le savait.

Sambre descendit les escaliers une main sur la rampe et le buste redressé. Comme on le lui avait appris. Elle avait revetit une robe noire simple et remonté ses cheveux en un chignon compliqué. Elle darda sur sa tante un regard rouge. Elle était en colère. Contre tout. Contre ces hommes qui n'allaient pas tarder à franchir le seuil de la porte pour l'épouser sans même la connaître. Contre ces femmes qui ne pensaient qu'à leur bon petit plaisir. Contre sa tante qui n'en avait rien à faire d'elle et qui la traitait comme un chien. Elle voulait en finir. Elle allait en finir. Ce soir.

Assise à l'une des nombreuses tables, June observait les gens autour d'elle. Le monde de la Cour la dégoûtait. Elle aurait préféré ramasser des carottes à quatre pattes dans la boue loin d'ici.

« Bonsoir June... »

C'était une femme rousse qui venait de prendre place à ses côtés. Une splendide rousse. Intriguée June pencha la tête sur le côté mais ne répondit pas. C'était la première personne de sexe féminin qui venait lui parler.

« J'ai quelque chose pour toi. Quelque chose qui pourrait changer ta vie. A jamais. »

La femme aux cheveux de feu se leva et partit après avoir laissé sur la table une boîte noire. De nouveau le feu allait frapper. Doucement, la demoiselle tira la boîte à elle. Regardant aux alentours, elle vérifia que sa tante n'étais pas dans les parages et retira le couvercle. A l'intérieur, reposait un magnifique poignard. En plus d'un morceau de papier sur lequel était couché deux mots : Tue la. La rage l'emportant sur le reste, Sambre se leva, défit sa longue crinière brune, prit l'arme blanche dans sa main et s'approcha à grand pas de la femme qui avait pourrie sa vie depuis ses 6 ans. Autour d'elle, les gens se taisaient à son passage. Telle un félin, elle bondit sur la blonde qui lui servait de tutrice et après l'avoir plaqué contre le mur le plus proche, lui enfonça le poignard dans le cœur. Jusqu'à la garde. Puis doucement, tout doucement, elle lui murmura à l'oreille tout le mal qu'elle lui avait fait.

-

Puis elle s'enfuit. Courant à travers la pièce, son arme sanguinolente à la main. Personne ne tenta de la rattraper. Les convives étaient encore sous le choque.

Une fois dans sa chambre, June saisit la chose qui lui semblait le plus important : de l'argent. De toutes les manières, elle n'avait rien d'autre. Dans un sac, elle fourra quelques vêtements, une photo, de quoi se nourrir... Et bien évidemment, elle se changea, optant pour un pantalon et un pull noir. Elle était en fuite désormais.

Dehors, la neige tombait. Les essuies-glaces battaient à la même vitesse que le cœur de Sambre. Elle venait de tuer quelqu'un. Et cela ne lui avait pas déplu. Elle pouvait même dire que l'adrénaline avait apaiser sa colère.
La brune finit d'entrer l'adresse de l'aéroport dans le GPS et appuya sur l'accélérateur. Elle partait pour de bon.

Pérou, 2008

Elle n'avait plus d'argent. Plus rien pour payer ce taudis dans lequel elle vivait. Et aujourd'hui le propriétaire allait revenir avec sa violence et ses menaces qu'elle ne comprenait pas. Au bout de 2 ans, elle avait encore du mal à comprendre leur langue. Après tout, elle ne faisait pas d'effort pour s'intégrer. Encore une fois, elle allait se retrouver dehors.

Trois coups à la porte lui annoncèrent qu'il était là. Se redressant de toute sa hauteur, elle alla lui ouvrir. C'était un autre homme. Celui là semblait plus brutal encore. Plus dur...

« Tu dois payer le loyer quoi qu'il arrive. »

Son accent français était terrible. Mais elle l'avait compris. Elle ne répondit pas pour autant, se contentant de reculer. Elle avait un pressentiment. Et pas un bon. Faisant demi-tour, elle partit dans la pièce qui lui servait de chambre et sortit son poignard de sous son lit. Il ne la quittait plus. Le cachant derrière son dos, elle attendit que la Brute fasse son apparition. Il ne la fit pas attendre bien longtemps. Il franchit le seuil de la chambre sans se douter de rien et lorgna la demoiselle, les yeux pétillants. Elle se rapprocha de lui et comme elle l'avait fait deux ans plus tôt, le transperça de son arme. Il écarquilla grand les yeux avant de hurler à la mort. Les voisins ne tardèrent pas à arriver. Et contrairement à ce qu'il s'était passé en Russie, les Péruviens l'attrapèrent sans réfléchir, laissant le cadavre au sol.

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Dans les semaines qui suivirent, elle fut emprisonnée, jugée et envoyée à la prison de Luriguancho. Loin de son passé.

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