Un brin amusé, tu regardais le résultat dans le miroir un peu crasseux, décoré de fausses toiles d'araignée plus vraies que nature et couvertes d'une pellicule de poussière. Autrement dit, tu n'apercevais pas réellement ton reflet, voyant plutôt une ombre grossière. Sérieusement, tu te demandais bien le budget que la direction avait alloué aux décorations. Cette pièce était somptueuse dans ses ténèbres, digne des démons les plus influents. [J'aimerais bien, tiens, que ma cellule soit ainsi décorée, c'est plus que charmant.] Menteur, tu aurais préféré les affiches de femmes dénudées plutôt que les faux crânes - qui semblaient si réaliste que c'était à s'y méprendre -, les rideaux grisâtres, troués, les miroirs fissurés, les dessins sataniques aux murs, au plancher et au plafond. Il y avait tant de détails que tu t'étonnais de la minutie dont avaient fait preuve les gardes.

Cependant, ils n'étaient pas les seuls à avoir été minutieux. Tu l'avais aussi été pour ta personne, ton costume. En plus de la larme et de l'étoile tatouées sur tes joues, on retrouvait désormais une autre étoile au milieu de ton front, celle qu'on use dans les rituels. Ce n'était pas un réel tatouage, mais de ceux qui partaient à l'eau en frottant un peu. Blanc caillé, elle rappelait ta chevelure que tu avais décolorée pour la peine, pas que c'était la première fois que tes cheveux passaient sous la teinture. [De mémoire, mes mèches n'ont jamais été argentées.] En effet, elles n'ont été que d'un blanc fade par le passé, un blanc qui ne s'illuminait pas de reflets sous la lueur des bougies. Car il y en avait, de celles qui étaient noires et rouges. Elles étaient confinées en hauteur ou dans des lampes scellées, histoire que les détenus ne s'amusent pas à brûler la pièce ou les adolescents.

Tournant la tête, tu sentis le poids des cornes chercher à la faire tomber sur le côté. Au nombre de deux, elles semblaient des plus réalistes tout comme les oreilles de chèvre agrémentées de boucle d'oreille. Le doré des bijoux brillait à son tour de mille feux, tandis que tu te dirigeais vers un somptueux banc, presque un trône dégarni, te disant que ce serait de là que tu attendrais les garnements, laissant les autres détenus s'installer à leur tour alors qu'on éteignait les lumières. La partie allait bientôt débuter et, pour une fois, tes mauvais tours étaient les bienvenus.

Cailan s'était réveillé plus tôt que d'habitude, se demandant ce que jour-ci avait de bien particulier. Ça ne faisait pas très longtemps qu'il était arrivé dans son nouveau chez lui et il avait réussit à s’accommoder plutôt bien. Toutes les prisons se ressemblent, puis tant qu'on ne venait pas l'emmerder, il n'y avait aucun soucis.

Se relevant doucement, ses yeux vairons se posèrent sur un amas de vêtements bien pliés, situés en évidence sur la chaise. Ah oui, Halloween. Il avait décidé d'y aller un peu au hasard, voulant bouger un peu, ne serait-ce que quelques heures. Peut-être qu'avec un peu de chance les gamins qui devaient venir allait le distraire quelques heures. Cailan devait bien avouer que les dirigeants de la prison ne s'étaient pas foutus de leur gueule avec les déguisements. Le sien était assez basique en réalité, jouant le jeu mais pas trop non plus.

Il portait une longue cape noir avec des détails rouges, qui remontait assez haut sur son cou, lui donnant un effet appréciable aux yeux de Cailan. Il avait décidé de faire l'impasse sur les cornes, trouvant ça trop contraignant et c'était contenter de faire couler du faux sang sur certaines parties de son visage et sur ces mains. Ses cheveux rouges lui donnaient assez naturellement l'air d'un peu diable. Il avait hésité à demander des lentilles pour cacher ses yeux vairons mais au final, ça allait plutôt bien à l'ensemble. Il n'était pas effrayant à proprement parler, au contraire, mais Cailan se trouvait une certaine prestance dans ce costume.

Les préparatifs finis, il se rendit sur les lieux du rendez-vous. Il allait être un peu en avance mais tant pis. En entrant dans la salle, il fut agréable surpris de l’atmosphère qui y régnait. La pièce était sombre, avec plusieurs bougies qui éclairaient partiellement la salle. Cailan aimait particulièrement les pentagrammes qu'il voyait s'étaler dans la pièce. Il fut étonné de voir déjà deux personnes installés, celui qui devait de tout évidence être leur gardien et un autre homme au costume particulièrement réussi qui s'était installé sur une espèce de trône assez large.

Il lança un bref « Bonjour » poli et complétement désintéressé avant de se placer pas très loin de l'autre, adossé contre un mur, les bras sur sa poitrine. Il n'essaya pas plus d'engager la discussion que ça, ils ne se connaissaient pas et n'avait surement pas envie de le faire. Il ne manquait plus que le dernier comparse pour lever le rideau.

Couvert d'un cousin au rouge des vins de Bourgogne, le siège était étrangement confortable, épousant les courbes de ton royal fessier avec gracieuseté. Le froid piquait ta peau basanée dénudée, les bijoux ornant ton cou, tes poignets et tes chevilles n'aidant certainement pas ta cause. Ils t'arrachaient même de longs frissons, ceux-ci longeant tes jambes sous ton ample pantalon s'apparentant à un haillon marron.

Enfin, quoi qu'il en soit, l'homme ayant souhaité un bonjour à toi comme aux autres et à qui tu avais répondu à ton tour d'un bonjour enjoué, un peu trop même, vint prendre place non loin à tes côtés, près du trône délavé. Tu ne te gênais pas pour le zieuter de la tête aux pieds, ta vieille manie. Ses yeux vairons t'intriguèrent et un nom ne tarda pas à lui être attribué. Après tout, les détenus aux iris différents ne courraient pas la prison et, toi, tu avais des oreilles partout, tu savais tout et il était rare qu'une information te glisse entre les doigts. Puis, il y avait le concierge que tu manquas de ne pas reconnaître sous son masque, sauf que sa taille - son cul aussi - et sa voix te mirent vite sur la piste. Tu lui offris un charmant sourire des plus provocateurs, lançant un coup d'œil au dernier venu à moitié dévêtu, comme toi. Tiens, tu aurais bien eu envie de le croquer lui aussi. Cependant, lui, son nom ne te vint pas en tête, ce ne devait pas être de ceux qui attisaient la curiosité et les rumeurs.

Les garnements ne tardèrent pas à arriver et tu t'enfermas dans un mutisme digne d'une tombe, tapi dans l'ombre et ne bougeant pas d'un iota. Tu attendais qu'ils avancent, tu attendais que l'un d'eux te dépasse et tu manquas de rigoler au cri que poussa une jeune fille, ignorant ce qui était la cause de son sursaut, bien trop loin pour se faire et la noirceur t'empêchant de bien distinguer les silhouettes. Elles vacillaient au gré des lueurs des bougies, puis d'une lumière clignotante. Quand enfin un adolescent passa devant toi, tu quittas ton siège agilement, à pas feutrés et d'un bond félin. Tu ne fis aucun bruit, te glissant derrière lui tel un fantôme. Faufilant ton visage près de son oreille, là tu te permis de souffler de cette voix mielleuse, suave à souhait et sournoise :

- Si vous vous ennuyez, moi, je veux bien jouer avec vous ♥

Ton éternel sourire étirait tes lèvres, mais, aujourd'hui, tu ne cachais pas ses allures mauvaises, ses allures de prédateur et de diablotin.

Tout le monde monde était là et il était temps de commencer. En observant ses camarades de jeux, Cailan ne put s'empêcher de penser qu'ils faisaient un groupe assez hétéroclite. Lui même se demander honnêtement ce qu'il faisait là et ce qu'il lui avait prit de perdre du temps pour des gamins juvéniles. Il ne les aimait pas si jeune, alors il ne pouvait pas s'amuser à sa manière.

Cailan observa avec une certaine fascination la scène presque morbide, ils étaient tous dans l'ombre pour le moment, caché aux yeux de leurs visiteurs. Lui même était invisible pour le moment, mais il lui suffisait de faire un pas pour régler ce petit problème. N'ayant pas de scénario particulier, il se laisser aller à l'ambiance.

L'homme sur le trône, dont il ne connaissait pas le nom d'ailleurs s'était avancés vers les victimes, les effrayants pour de bon. En même temps il pouvait les comprendre. Voir une apparition presque cauchemardesque surgir comme ça, ça ne devait pas être très agréable. Cailan décida néanmoins de ne pas rester en dehors. Il s'approcha également du rassemblement, prenant à revers le groupe d'adolescent qui ne s'y attendait pas. Se faire avoir deux fois par le même coup, il fallait ne pas être très malin. Il se saisit du menton de celui qui ressemblait à un intello coincé et dépareillé, l'approchant près de son visage, jusqu'à le rendre mal à l'aise.

-Ou peut-être voudriez-vous goûter au pêcher avec moi ?

Après tout, on ne lui avait pas interdit ce genre de choses. Et c'était particulièrement amusé de voir le choc et le trouble dans le groupes de jeunes. Amusé, il relâcha le menton du jeune homme avant de tourner lentement autour du groupe, comme un prédateur s'attardant sur une proie. Il finit néanmoins par se reculer dans un coin d'ombre, chuchotant par occasion, des phrases cocasses. S'adossant à nouveau au mur, il estima en avoir assez fait pour le moment, et se prépara à regarder le spectacle qu'on pourrait lui offrir.

Tu te pourléchais les lèvres, ta langue en dessinant machinalement le contour. Un air carnassier dansait sur ton fin visage, quelques petites lueurs prédatrices valsant même dans tes iris ambrés. Désireuses, envieuses. Mais de quelle envie s'agissait-il? Une convoitise charnelle ou une jalousie malsaine? Inconsciemment, tu jalousais ce jeune adolescent devant toi, ce jeune dont tu ne te gênas pas pour longer ses flancs du bout de tes doigts. Il avait encore sa liberté, il n'était pas prisonnier des barreaux de fer et des murs de béton. À ton image, quand tu étais plus jeune, il ne craignait pas cet endroit, s'en moquant éperdument. Avant d'entrer dans cette pièce, il était inconscient. Il ne jouait pas le brave, il ignorait seulement tout de la dureté du milieu carcéral. Ce n'était pas un endroit de joie et de plaisir, c'était un autre recoin de l'enfer sur Terre. Et toi, en cet instant précis, tu avais pour mandat de le lui faire réaliser, de le lui faire comprendre à lui comme à ses amis, et tu le rempliras sans rechigner, tu le rempliras même de bonne foi.

Ils étaient trois, deux garçons et une jolie fille. Vous étiez trois aussi, trois détenus jouant les démons, et chacun avait alors sa proie. Discrètement, tu écoutais ce que tes compères avançaient, les mots qu'ils posaient, seulement, tu préférais te concentrer sur le pauvre petit être devant toi. Il était bien petit et tu étais bien grand. Tu n'hésitas certes pas à te servir de cet atout, tes mains cessant d'effleurer ses hanches et les empoignant enfin. Doucement, de ces gestes suaves et lents, mais fermes, tu ramenas son bassin contre le tien. À ce petit manège, tu lanças un regard au concierge. Il te semblait bien décidé à ne pas lever le petit doigt, parlant de ce ton déplaisant et qui te fit sourire un peu plus. Tu te doutais qu'il ne vous laisserait pas vous amuser à votre guise, toutefois, tu savais aussi que tu pourrais te divertir quelque peu. Provocateur, comme à ton habitude, tu te plus à plonger tes yeux dans ceux du « garde », venant déposer un tendre baiser contre l'oreille de l'adolescent. Le jeune s'était planqué près de ton si grand ami, après tout. Puis, d'une voix mielleuse et sournoise, pire que la sonnette d'un serpent, tu soufflas dans un murmure sinistre :

- Allons bon? Vous voulez déjà nous fausser compagnie? Mais le jeu commence à peine...

Tu pris une pause, laissant le suspense planer un court moment, mordillant le croquant de son oreille, un peu joueur.

- Et une fois dans notre air de jeu, impossible d'en sortir sans notre accord, mon cœur ♥